Salariés protégés : ce que le juge judiciaire ne peut pas remettre en cause

Lorsque l’administration autorise le licenciement d’un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut pas en apprécier à nouveau les motifs économiques ni les efforts de reclassement entrepris par l’employeur. La Cour de cassation rappelle les limites strictes imposées par le principe de séparation des pouvoirs.

Une procédure encadrée par l’administration

Dans le cadre d’un projet de réorganisation entraînant la fermeture définitive d’un établissement, deux salariés protégés sont licenciés après validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi et autorisation expresse de l’inspection du travail. Cette autorisation administrative est une condition préalable obligatoire au licenciement de tout salarié protégé. Elle suppose un contrôle approfondi du motif économique, du respect des obligations de reclassement, et de l’absence de lien avec l’exercice du mandat.

Un juge judiciaire sans pouvoir d’appréciation

Saisis par les salariés licenciés, les juges judiciaires refusent d’écarter la décision administrative. La cour d’appel rejette la demande de transmission d’une question préjudicielle au juge administratif, estimant que le litige ne soulève pas de difficulté sérieuse. L’argument avancé par les salariés, relatif au non-respect d’un accord sur la politique de l’emploi, est jugé inopérant. Dès lors que la décision d’autorisation est devenue définitive, le juge judiciaire ne peut en réexaminer le bien-fondé, ni remettre en cause l’appréciation du caractère réel et sérieux du licenciement.

La séparation des pouvoirs comme ligne rouge

La Cour de cassation valide cette position : seule la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la légalité d’une autorisation administrative de licenciement. Le juge judiciaire, quant à lui, doit s’abstenir de tout contrôle sur les éléments économiques ou les efforts de reclassement dès lors qu’ils ont été examinés et validés par l’administration. Il en résulte que les demandes indemnitaires fondées sur une prétendue insuffisance du reclassement ne peuvent prospérer. L’autorisation administrative s’impose, tant qu’elle n’a pas été annulée par le juge administratif.
 
Ce rappel jurisprudentiel illustre le régime spécifique et protecteur des salariés protégés. Il rappelle aussi que cette protection repose sur un équilibre : l’autorisation administrative renforce leur sécurité, mais une fois délivrée et définitive, elle limite considérablement les recours devant le juge judiciaire. Les salariés concernés doivent donc contester la décision administrative dans les délais légaux, sans quoi ils se retrouvent privés de tout moyen d’obtenir réparation.
 
Réf : Cass. soc., 10 sept. 2025, n° 24-11.282